Aktion T4, ou les soins psychiatriques selon les nazis

La psychiatrie avant le XXème siècle, c’était un peu compliqué. Dans la première moitié du XXème siècle, la psychiatrie va connaître un tournant. Faut dire qu’on fait la différence entre un handicapé physique/et ou mental et une personne atteinte de maladie mentale (les fous). C’est un progrès. En 1937, le terme d’asile disparaît. Désormais, les foufous sont enfermés dans des « hôpitaux psychiatriques ».

Depuis les années 1930, c’est l’heure de gloire des eugénistes. Ce sont ceux qui bossent sur les gènes, l’idée c’est pas de modifier les gènes pour rendre l’homme meilleur, mais presque. En tout cas, afin de pas prendre de risque pour l’efficacité de la race, ils vont mettre en place des programmes de stérilisation contrainte. Si déjà les cinglés peuvent pas se reproduire, c’est pas mal.

Avec le régime nazi qui se met en place quelques années plus tard, et la Seconde Guerre mondiale, j’aime autant vous dire qu’il fait pas bon être malade mentalement en Allemagne mais aussi partout en Europe.

Aktion T4, ou l’extermination des handicapés mentaux et physiques et puis des fous aussi

Bon, vous les connaissez hein les nazis, l’idée c’est d’avoir une race pure et belle et tout et tout. Du coup, les personnes qui n’en sont pas… Autant s’en débarrasser, s’ils ne peuvent pas participer. Évidemment, ils n’ont pas mis des panneaux AKTION T4 : Donnez-nous vos malades, on les achève. Non, ils ont été un peu plus discrets. Ils ont augmenté les capacité des hôpitaux pour soulager les familles. On hospitalise, on gaze, et on dit aux familles « c’est malheureux la mort d’un proche, c’est arrivé si vite… On s’y attendait pas ».

bando-nazi-handicap

Lorsque Hitler crée l’Aktion T4, il est question d’assassinats par chambre à gaz, mais au fil des mois, on utilise aussi la famine et autres injections létales. Tout dépend ce qu’on a fait du patient juste avant. Genre si tu le fais travailler, tu le laisses mourir de faim. Si il est trop fou, tu le gazes. Astuce.

Le paradoxe de la procédure

En mars 1938, en Allemagne, les asiles psychiatriques comptent 80 000 internés de longue durée et 100 000 à durée variable. Le recensement permet de savoir combien de personnes doivent bénéficier ? subir l’opération d’euthanasie forcée. Pour les départager, les médecins doivent répartir les malades en trois groupes :

  1. Tous les patients souffrant de schizophrénie, d’épilepsie, de sénilité, de paralysie incurable et d’autres maladies syphilitiques, de faiblesse d’esprit, d’encéphalite, de la maladie de Huntington et de tous autres troubles neurologiques dans leurs phases finales ;

  2. Tous les patients hospitalisés depuis au moins cinq ans ;

  3. Tous les patients internés comme aliénés criminels, les étrangers, et ceux qui étaient visés par la législation raciste nationale-socialiste.

Selon leur capacité de travail, les malades sont envoyés dans des camps de travail, où, bien souvent ils meurent de faim, mais aussi de crise de folie par manque de soin. Les médecins, qui ont rapidement compris le but de la manœuvre, ont décidé de classer tous leurs malades comme incapables de travail. Bin, oui, comme ça il restent à l’hôpital et sont sauvés. Mais en fait… Les malades incapables de travailler sont encore plus rapidement assassinés…

Face aux excès des médecins, les formulaires ont fini par être examinés par l’administration centrale de l’Aktion T4. Vous l’avez compris, les mecs ne voyaient pas les patients. Ils cochaient « capable au travail » lorsqu’ils avaient besoin de monde et « incapable » lorsqu’ils envisageaient la mort. D’ailleurs, ces mecs là, on les appelait les  Kreuzlschreiber (faiseurs de croix)…

Pour les patients juifs c’était plus facile à juger, on les embarquait tous dans des camions direction Brandebourg-sur-la-Havel pour être gazés.

La route de la mort

Le transport des patients est assez simple. Un bus avec des vitres teintées et le tour est joué. Dans les premiers temps, tout se fait tranquillement. Personne n’a vraiment assimilé que l’on vient chercher les malades pour les tuer. Oui, l’humain est capable de se voiler la face, ce n’est une surprise pour personne. Mais une fois que le bruit de l’euthanasie forcée court les hopitaux, les patients se cachaient dans les greniers, jardins et autres annexes des établissement et bien souvent pour les attraper il faut les tabasser. Du coup, pendant le voyage, ils se tiennent tranquilles… Avec des membres pétés ou complètement assommés, la révolte des patients est toujours plus difficile. Si toutefois, les autorités compétentes (appelons-les comme-ça) ne trouvent pas un patient inscrit sur la liste, elles en prennent un autre. Bin ouais, faut juste que le compte soit bon. Facile la vie dans l’administration.

Pour les familles, qui peuvent légitimement se poser des questions sur les disparitions, on leur répond que leur proche était transféré ailleurs, qu’on manquait d’information mais qu’on les tiendrait au courant. « On sait pas trop où est votre fils, mais vous savez madame, il y a des problèmes plus graves. C’est la guerre ». Et puis on déclare les patients comme morts.

En Europe entre 1939 et 1945, entre 200 000 et 250 0000 aliénés et handicapés ont été éliminés, par famine (surtout en France) et par chambre à gaz, et nombre d’entre eux ont servi de cobayes. La lobotomie a été largement pratiquée et améliorée pendant la guerre, mais sans anesthésie, ni antiseptique… Bin ouais, l’idée c’était pas de les sauver eux. Mais les autres, ceux qui sont purs.

Et après la guerre ?

La pratique de la lobotomie va se démocratiser après la guerre, et elle va être combinée à des éléctrochocs. Mais bon, on se rend compte que quand même c’est un peu violent hein, alors la lobotomie décline et c’est l’arrivée des neuroleptiques. C’est plus doux qu’ils disent.

Dans les années 1950, Roland Kuhn psychiatre suisse, découvre le premier antidépresseur (imipramine). Dix ans après, on utilise des méthodes d’enveloppement humide (on enroule les fous dans des linges) et des soins par la parole. C’est le début de la psychothérapie.

En fait, à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale on commence à considérer les malades comme des humains, on essaie de ne pas les bousculer, pas les attacher et la douleur n’est plus considérée comme calmante, et je pense que c’est déjà un bon début. 

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23 thoughts on “Aktion T4, ou les soins psychiatriques selon les nazis

  1. Il y a peu, nous avons fait une visite guidée à Graz (Autriche) des « Stolpersteine » (un grand projet consistant à placer des dalles en métal gravées des noms et dates de personnes assassinées par les nazis). L’une des victimes faisait partie de ces malades mentaux assassinés. Son petit-fils était là et nous a raconté son histoire.

    Sa grand-mère n’était pas exactement ce qu’on appellerait un malade mental aujourd’hui, elle était dépressive, éventuellement un peu bizarre mais bon, rien de grave. Elle travaillait, elle vivait en concubinage et avait deux enfants en bas âge. Les voisins l’ont déclaré à l’administration, qui l’a fait interné à l’hôpital psychiatrique de Graz malgré ses deux enfants. Du jour au lendemain, elle a été transférée dans un autre service à l’autre bout du pays, ils n’ont pas réellement pu répondre aux question de son concubin venu comme chaque jour lui rendre visite. Finalement, ils retrouvent sa trace, pas loin de là où vit l’un de ses frères. Le frère se déplace 3 fois sans jamais pouvoir voir sa soeur. A chaque fois, on lui promet qu’il pourra l’emmener mais on évoque des raisons sanitaires, des épidémies… Finalement, la famille reçoit un courrier spécifiant que la patiente est morte 2 semaines auparavant d’une infection dû à la prétendue épidémie. Soit entre la 2e et la 3e visite de son frère… Dans le courrier (que le petit-fils nous a montré), ils réclament des frais de port pour faire revenir ses effets personnels à Graz. (L’ironie.)
    Quand sa fille alors âgée d’une dizaine d’années passe à la mairie pour un papier quelconque, on trouve intelligent de lui annoncer de but en blanc qu’elle n’aura jamais le droit d’épouser un SS. Quand elle a demandé pourquoi, on lui a répondu que c’était marqué là, sur son fichier : « fille de malade mentale ». La famille a pris peur et a confié la fille à une famille juive qui partait se réfugier à l’étranger.
    Triste histoire. Je passe chaque matin devant son ancienne appartement, je peux pas m’empêcher d’y penser à chaque fois.

  2. Juste un petit commentaire. En France, pendant la guerre, des psychiatres espagnols et francais ont inventé la psychiatrie institutionnelle. Tout le contraire de ce qui existait (et a existé aussi apres !). Je vous invite a faire une petite recherche sur le net sur cette belle aventure…

    • Voilà l’objet d’un nouvel article !
      Si j’ai bien compris, il s’agit d’une amélioration du cadre par une meilleure relation soignant/soigné ?

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  6. Super article !

    Je suit ton blog depuis le début, et je suis contente de son évolution ! Je relis même un article plusieurs fois juste car cela me fait rire (et pourtant, c’est pas toujours drôle !)

    Un jour, je serais une Tipeeeze (bon, déjà, il me faut un salaire ! 🙂 )

    Y’a une petite coquille !

    Pour les familles, qui peuvent légitimement se poser des questions sur les disparitions, on leur répond que leur proche était transféré ailleurs, qu’on manquait d’information mais qu’on les tiendrait au courant. « On sait pas trop où est votre fils, mais vous savez madame, il y a des problèmes plus graves. C’est la guerre. Et puis on déclare les patients comme morts.

    Tu as zappé un  » pour fermé le dialogue, du coup, mon cerveau s’est demander pourquoi le docteur disait la stratégie pour éliminer les patients discrètos !

    • Oh, merci beaucoup pour ce gentil commentaire ! J’ai pas encore l’intention d’arrêter, alors, tu devrais pouvoir rire encore un peu 😉
      Coquille corrigée !

  7. Juste pour dire que j’ai ris à m’en cogner le cul par terre grâce à la super illustration du moustachu en caleçon – chaussettes ^^

  8. Pingback: Les bordels nazis, le tabou de la Seconde Guerre mondiale | Raconte-moi l'Histoire

    • Oui, le sort des malades internés en France pendant la guerre est une atrocité que peu de gens connaissent. Des milliers ont tout simplement été laissés là, totalement abandonnés, sans nourriture, et sans moyen de s’échapper. Un mouroir sur lequel la population qui peinait elle-même à se nourrir ne voulait ou ne pouvait pas se pencher. Ce qui s’est passé entre ces murs dépasse l’entendement. Certains médecins ont refusé d’abandonner leurs patients et ont partagés leur funeste sort …

  9. Pingback: Antipsy | Pearltrees

  10. Excellent article. Un humour noir qui aide à faire passer les abominations dont la nature humaine est capable. Je suis très intéressée aussi par la psychiatrie au 21ème siècle. Les neuroleptiques sont une camisole chimique, une trépanation moderne, sous laquelle les psychiatres placent bons nombre de patients, qui ne sont pourtant pas schizophrènes. J’ai vu des enfants ( 11 ans ) sous neuroleptiques, à cause de leur violence. Que soignent les neuroleptiques ? Qui sont les patients qui subissent ce traitement ? Ces médicaments ne sont-ils pas plutôt « un moyen de contrôle » qui permet à la société de se protéger de ses « fous », pour ne pas qu’ils perturbent l’ordre public… ? Hâte de lire la suite de votre dossier.

  11. Ce qu’il y a de plus horrible encore, c’est qu’en Allemagne,du coup, il a fallu attendre des dizaines d’années pour qu’on relance les méthodes de prise en charge des handicaps. C’est comme si on osait à peine regarder les malades.Courrier International avait fait un article assez intéressant: des patients pris pour fous à tort alors qu’ils étaient simplement aveugles ou sourds: http://www.courrierinternational.com/article/2009/01/08/une-deficience-qui-ne-creve-pas-les-yeux.
    (Pas que je sois psychophobe, mais mieux vaut être pris en charge pour la pathologie dont on souffre effectivement)

  12. Pingback: Loi du 14 juillet 1933, la stérilisation obligatoire pour les sourds | Raconte-moi l'Histoire

  13. Article un peu trop résumé à mon humble goût de chercheur. Il aurait été utile de parler des « instituts temporaires ». De plus, ne nous trompons pas. Ceux qui faisaient les sélections étaient les médecins qui dirigeaient les hôpitaux psy.

    200 000 victimes dans toute l Europe. me semble être un chiffre a minima puisqu’il y a eu pour le seul Reich 70 000 personnes gazées dans les 6 centres d’euthanasie sur les seules années 40/41.

    Sur le sujet je vous conseille mon article :

    « L’école des meurtriers : L’asile d’aliénés de Mainkofen (Bavière) sous le Troisième Reich » in Revue du dialogue franco-allemand / Zeitschrift für den deutsch-französischen Dialog « Dokumente-Documents », n°2 Sommer – été 2015, p.53-55

  14. La négation de la folie en tentant de la réduire à des causes organiques (que ce soit les histoires d’humeur, la trépanation, l’eugénisme et de nos jours la chimie) ne fait que progresser la folie, en réaction.
    L’approche de la psychothérapie institutionnelle est un progrès indéniable, après il convient que l’institution ne devienne pas non plus indispensable et que le patient trouve son équilibre par lui-même… Plus facile à dire qu’à faire, certes, mais au moins c’est une approche qui lui en laisse la possibilité, ce qu’empêche la négation pharmaceutique du symptôme…
    Oui, je trouve qu’un article sur Tosquelles et Saint-Alban vaudrait le coup, mais attention aux enfumages :-).
    Après, il faudra beaucoup de talent pour y trouver de quoi rendre ça marrant, mais… je fais confiance à votre folie 😉 !

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