Moyen-âge : La vie quotidienne à Penne, les onze mille Vierges et les politiciens escrocs

La semaine dernière, sur le site passionchateau, je vous racontais toute l’histoire du Chateau de Penne. Et pour mieux comprendre la vie quotidienne à Penne, j’écris ici les us et coutumes de ce même endroit. Un petit village dans le Tarn, au bord de l’Aveyron. Le tout est illustré par des enluminures du manuscrit des coutumes de Toulouse de 1295 et les Heures de Jeanne de France. Et les liens en marron sont des images cools. Tu pourras cliquer même si tu es mineur.

Au XIIIème siècle, le château tombe un peu en ruine suite aux assauts subis les années précédentes. Il appartient à deux seigneurs, Bernard et Olivier. Or, malgré l’état de décrépitude du chateau, le comte Alphonse (gendre de Raymond VII et frère de Louis IX) veut s’en assurer une possession complète. Celui-ci rentrant de la Croisade, décide de l’acheter, et il va payer cher Par exemple, il va céder le château de châteaux de Cestayrols, l’honneur d’Ambialet et les Albergues de Belfort en Quercy et Cazals à Bernard et Olivier.

En 1253, Pierre des Voisins, chancelier du comte, prend possession du chateau en son nom. Alphonse va faire rétablir la charte de Penne. Il s’agit d’un code municipal dans lequel rien n’est laissé au hasard. Il existe 4 consuls annuels, qui désignent eux-même leurs remplaçants à l’expiration de leur charte. Ils doivent prêter serment en présence du bayle (le représentant du seigneur) et promettent fidélité. Évidement. Pas à leurs femmes hein, au seigneur. Ils constituent ensuite un conseil de 24 personnes qu’ils jugent capables d’être de loyaux conseillers.

 Du vin, d’la viande et du pain nom de Dieu !

Les habitants de Penne peuvent ouvrir une taverne, une boulangerie et une boucherie à condition que le prix du vin soit crié publiquement (en général, c’est 8 derniers le broc de vin) et que la viande soit bonne. Au moyen-âge, il n’est pas rare de se permettre de vendre de la viande avariée, mais à bas prix hein, on se moque pas du monde quand même. Aussi, il est interdit en pleine journée de faire brûler une chandelle à coté d’un morceau de viande fraîchement coupé, ça pourrait cacher l’odeur. Les sanctions peuvent être terribles.

Si le pain est dégueulasse, pas de problème, on le distribue gratuitement aux villageois. On dit que « la fournée revient à Dieu ». Le prix du blé, aussi, est réglementé. En 1253, le setier de blé vaut 7 sous 6 deniers, les pains de 2 deniers pèsent alors 2 livres 4 onces. 

A 15 sous le setier, le pain pèse alors 1 livre et 5 onces. Et ainsi de suite. Les boulangers qui trichent sur le poids du pain peuvent être soumis à une amende s’il se font pécho.

Enfin, tout est réglementé dans cette charte, des déprédations commises par les animaux jusqu’aux délits d’adultères. Tout. Rien n’est laissé au hasard. 

 La justice (lol)

La police rurale appartient aux consuls, ils peuvent modifier les tarifs du dex, c’est à dire, des contraventions. Malheureusement, plus le dex est fort, plus les consuls s’enrichissent. Il ne font entrer qu’une petite partie du dex dans les caisses du village. Bin ouais. Sur le papier, le dex est fixé à 2, mais ils en demandent 10. 8 pour eux. Bien joué, vous n’avez rien à apprendre aux escrocs qui nous gouvernent. Enfin, les consuls, toujours vétus d’une robe noire et rouge au manches garnies de fourrure et coiffés d’un chaperon rouge et noir ont leur banc attitré à l’Eglise. Pour mieux se repentir sans doute.

La peine pour adultère est celle connue habituellement, les deux coupables doivent parcourir sans vêtement les rues de la ville et sont ainsi exposés aux sarcasmes de la population. Sauf s’ils payent une forte contribution. Comme quoi, on peut toujours s’arranger pour pas finir à poil. Mais parfois, on castre des monsieurs. et on coupe des têtes et des mains.

 Les foires et les marchés

Vu qu’il n’y a pas grand chose à grailler dans le coin, lors des deux foires annuelles, en mai, et en octobre lors de la fête des Onze Mille Vierges, on supprime les droits d’entrée et de sortie des marchandises. C’est à dire que chaque jour de marché (le lundi à Penne), les marchands payent un droit d’entrée et de sortie du village. Le fric revient directement au seigneur. Le maximum c’est 50 livres par marchand.

Par exemple, le mec il paie 4 deniers par douzaine de brebis, de chèvres ou cochons. 2 deniers par bœuf ou cheval, 4 deniers par âne ou mulet. 6 deniers pour un trousseau de draps, une charge de poivre, gingembre, safran ou encore une charge d’étain. A Penne, les droits sont moins chers qu’ailleurs dans les environs. Il est vraiment sympa cet Alphonse. Enfin, le tout se tient à l’intérieur des fortifications, sauf pour le foirail à bestiaux, proche d’une porte en dehors de la ville. Ça pue la biquette sinon.

Enfin, ce sont les juifs qui gèrent le commercent, ils ont le droit de prêter avec intérêt, eux.

 Les quatre portes

La porte des Tres Sarraux (des trois serrures)(près du cimetière) abrite un corps de garde. La porte Peyrière, permet aux ménagères d’aller chercher de l’eau à la fontaine du Thouron, avec leur cruche d’eau ou d’étain posée sur la tête. La Porte du Pont-Levis est l’entrée principale, celle des nobles visiteurs, des retours de chasses ou de batailles. C’est pour les fanfares et aux bannières de victoire.

Il existe aussi la Porte du Milieu. Elle ne communique pas avec l’extérieur, elle sert juste à diviser l’enceinte en deux parties. Lorsque cette porte est fermée, il y a deux enceintes distinctes. C’est à dire que si on attaque le haut ou le bas de la forteresse, les mecs peuvent se réfugier de l’autre coté pour tenter de s’organiser et de résister. Enfin, il y a une grosse tour qui domine le ravin et l’Église est fortifiée, il y a des abris en bois pour accueillir des sentinelles.

La vie commence lorsque les portes s’ouvrent, les paysans vont aux champs, les cochons vagabondent dans les ruelles et les mecs se baladent des échelles sous le bras pour quelques travaux. Les boutiques s’ouvrent, le cordonnier, le tisserand, le tailleur de robe ! Parfois, un arracheur de dents passe par le village. Là c’est la grosse joie. Tout le monde s’y précipite. Le mal de dent est un vrai problème au moyen age. Du coup, le mec débarque avec sa pince et une omelette faite d’œufs et de papiers cabalistiques, et le tour est joué.

Principalement, le village vit de ses moutons et de sa laine, on en fait des draps que l’on vend jusqu’en Hongrie ! On teint avec le safran et le pastel. On cultive aussi le lin et le chanvre pour leurs fibres.

Et puis, le guetteur fait sonner la cloche, les portes se ferment et tout le monde retourne dans les enceintes. On va au four communal faire son pain, on fait griller son poisson ou chauffer sa soupe. Et puis on rentre au logis. On y trouve une table, une armoire, une huche, un coffre et un grand lit.

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Pierre et Jean Malrieu : Penne d’Albigeois à travers l’histoire. Livre que j’ai trouvé à la PEB de Toulouse. J’ai aussi trouvé des infos sur les panneaux présents partout sur le site du château lorsque je l’ai visité. Et les illustrations viennent tout droit de chez Gallica. Le livre sur les coutumes de Toulouse. Le livre d’Heures de Jeanne de France.

Tu peux lire mon article sur le chateau en cliquant ici

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