On rigole pas chez les Romains : peine de mort et autres châtiments qui font mal.

Si la vengeance privée est obligatoire jusqu’en -449 à peu près [Comme on l’a vu ici], peu à peu se dessinent des prémices de justice pénale, on commence à construire certaines « prisons ». Ainsi les fonctions de compensation et de vengeance ne sont plus les seuls caractères de la peine, il apparaît une véritable volonté de châtiment durable. En effet la peine doit corriger et montrer l’exemple afin d’assurer l’ordre public.

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« On fait obéir le citoyen par des amendes et des coups de fouet » Cicéron

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Quoi de plus exemplaire et de plus radical que la peine de mort ? On constate presque quotidiennement qu’il est encore présent dans les mentalités collectives que raccourcir quelqu’un est le meilleur moyen de 1) punir le coupable 2) montrer l’exemple et intimider 3) éviter la récidive. La peine de mort, encore peu utilisée jusqu’en -27 va devenir de plus en plus fréquente jusque sous le Dominat [285/476] où le gouvernement va user de toutes les peines les plus atroces dans l’idée de terroriser les potentiels criminels. Les peines sont arbitraires, cruelles et inégales.

Chez les Romains, la mise en œuvre de celle-ci peut être tout particulièrement cruelle, avec la peine du culeus qui sanctionne le parricide, ou encore les condamnations aux jeux du cirque.

Le culeus, imagine, t’as tué ton père, ou ta mère, ou les deux. Déjà, c’est pas bien malin, t’avais qu’à te barrer de la maison s’ils te gonflaient. Mais c’est trop tard, et en plus tu te fais pécho. On va te punir. Dans un premier temps tu es fouetté jusqu’au sang sur la place publique, t’en ressors bien amoché mais t’es encore en vie, c’était plutôt pour le spectacle. Le sang qui jaillit de ton corps à chaque coup de fouet, moi perso, j’adore. Donc, tu es en vie et on a fabriqué juste pour toi un énorme sac en cuir. Ne nous remercie pas tout de suite, un sac de 2m sur 2 n’est pas un bon présage, on te glisse dedans, on ferme bien, et on te jette dans la rivière la plus proche. Mais le plus drôle  c’est que t’es pas tout seul dans ton grand sac, on y a mis les quatre animaux jugés les plus hideux, on y retrouve donc une vipère, un chien, un coq et un singe, et bien sûr ils ont tous été affamés depuis quelques jours. Que le meilleur gagne ! Cette peine sera abandonnée au Ier siècle avant Jésus-Christ puis sera rétablie en 318 par Constantin.

Les jeux du cirques. Il n’était pas rare sous Néron [54/68] que les condamnés à mort soient jetés dans l’arène pour être déchiquetés par des chiens ou des lions. Mais c’est presque pas drôle, ça peut même encore aujourd’hui t’arriver dans ton appartement avec un chien un peu agité. En revanche, ce qui est agréable pour les sens, c’est la peine réservée aux incendiaires, ceux qui brûlent les récoltes et plongent le pays dans la famine. Eux, ils sont revêtus de tuniques trempées dans de la graisse, de la poix, de la résine et du soufre et sont fermement attachés à des poteaux. Ainsi, après avoir jeté une petite allumette, on peut gaiement assister aux jeux du cirque toute la nuit sans manquer de lumière. Astuce ! Cependant, après 340, l’Église va gueuler, elle trouve pas que ce soit très bon chrétien de transformer un humain en bougie géante, alors on arrête. C’est également le cas du supplice de la croix, ça leur rappelle un mauvais souvenir.

Autre chose… On peut aussi accrocher les jambes du condamné à deux branches repliées. Et puis, au bout d’un moment, les branches forcent, forcent. Et bim.

Sous le Bas-Empire [284/476] la religion a pris de l’importance, l’Église est devenue religion d’État et l’idée de base est que la peine soit destinée à l’amendement du coupable. Mais en fait, ils préfèrent majoritairement user de la peine de mort, et de façon cruelle, afin de se débarrasser définitivement de celui qui trouble l’ordre public. Si en général la peine est effectuée proprement à l’aide d’un glaive, il arrive que selon le crime commis ce soit un peu moins propre, c’est-à-dire, avec plein de sang, de violence et de visions dégueulasses, à  l’image des voleurs qui sont exposés sur des fourches sur le lieu du crime. Les condamnations par le feu offrent aussi de nombreux spectacles : celles-ci permettent à la fois d’éliminer définitivement le coupable, mais aussi de purifier l’ambiance malsaine dans la société. Enfin, c’est ce qu’ils disent. Enfin, les nourrices qui ne parviennent pas à éviter le rapt de l’enfant dont elles ont la garde connaissent le sort du plomb fondu.  On commence par quelques coups de fouet et lorsque la chair est bien rosée, voire saignante, on fait couler du plomb fondu sur les blessures. Un régal.

Outre la peine de mort physique, il est aussi possible pour toi de mourir civilement : on te force à l’exil et tu n’as plus aucun droit, aquae et ignis interdictio, les autres n’ont pas le droit de te nourrir ni de te loger. Cette peine est réservée aux honestiores, c’est la bourgeoisie romaine.

 

Enfin, pour des crimes moins graves on trouve des sanctions moins radicales mais toutes aussi sévères, comme la bastonnade. Il s’agit de donner des gros coups de bâton sur ton dos et tes pieds de méchant délinquant. Ou encore la relégation, un exil temporaire, ou les travaux publics.

Et puis si on sait pas trop si t’es coupable ou pas, il y a les ordalies. C’est-à-dire qu’on te fait très mal et si tu meurs pas t’es innocent, en gros. On peut mettre ta main dans de l’eau bouillante et une semaine après, alors que tu as interdiction de la soigner, si elle a cicatrisé, c’est que Dieu est avec toi, t’es libre. Si elle a pourri, t’es bon pour une peine plus sévère.

On peut aussi décider de faire appel au jugement de Dieu en te jetant pieds et poings liés et accroché à un gros caillou dans une rivière. Si ton corps reste au fond, t’es coupable, direction les enfers. Si ton corps remonte à la surface, bon t’es mort, c’est con, mais tu vas au paradis et on dit du bien de toi dans le monde du commun des mortels.

On rigole pas trop chez les Romains, mais bientôt je reviens vous parler des peines sous l’époque franque et sous l’Ancien Régime.

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15 thoughts on “On rigole pas chez les Romains : peine de mort et autres châtiments qui font mal.

  1. Bonjour,
    S’il n’était trop tard, pour cette note, j’aurais bien eu envie de vous suggérer les très chouettes illustrations du « Dictionnaire de la pénalité dans toutes les parties du monde connu » T1 à 5 (1824-1828) de M. B. Saint-Edme. que l’on trouve ici :
    http://gallica.bnf.fr/Search?adva=1&adv=1&tri=&t_relation=cb301455766&q=Dictionnaire+de+la+p%C3%A9nalit%C3%A9+Saint-Edme
    Cette anthologie peut paraître un peu âpre comme ça, à la lecture du titre, pour un béotien, mais l’on se rend compte assez rapidement, vues les nombreuses illustrations, qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de fantasmer gravement autours des différentes tortures et supplices de part le monde et les âges.
    Nous ne trouvons néanmoins pas la fameuse « introduction du petit caillou dans la chaussure » dans cette anthologie de la douleur infligée. Cette technique est sans doute postérieure à l’édition de ces 5 ouvrages.

    En tout cas je vous félicite pour votre chouette travail et j’espère vous lire encore bien longtemps (non mais vous faites comment pour en écrire autant de notes, vous ???)

    • Je vous remercie, je vais regarder ça ! Peut-être l’auteur parle-t-il du supplice du coin de table basse…

  2. Je ne sais pas si c’est parce que ça parle de l’antiquité ou de châtiments dégueulasses, mais j’ai adoré ton article ! ♥
    Il paraîtrait aussi que dans la Rome antique, les hommes coupables de viol voyaient leurs testicules écrasés entre deux pierres: Petite anecdote ni vu-ni connu-sympathique.
    (Voilà, premier commentaire sur ton blog que j’adore et que je suis depuis un moment, et je réussis à parler d’attributs masculins, je m’applaudis)

  3. Pingback: On rigole pas chez les Romains : peine de mort ...

  4. article intéressant mais on peut aussi rajouter la crucifixion, la décapitation (classique mais courante), les gens précipités du haut de la roche Tarpéienne, les Vestales enterrées vivantes entre autres

  5. Bonjour,

    Il me semble avoir entendu pendant mes cours de latin que l’on pouvait condamner les femmes  » à se faire prendre par un âne » en spectacle… Je n’ai jamais trouvé de confirmation… En savez-vous quelque chose ?

    Merci en tout cas, c’est toujours un plaisir de vous lire….

    • Bonjour, il existait une peine pour les femmes infidèles avec un âne (il s’agissait d’asseoir la femme nue sur l’animal et de lui faire faire le tour de la ville, pour l’humilier) mais alors je n’ai jamais entendu parler de ça ! Je vais me renseigner !

  6. J’ai découvert ce blog hier et ta plume me vaut quelques rire , merci à toi 😉

    J’apporte une légère remarque concernant l’ordalie de l’eau : de mémoire l’analyse est le contraire de ce que tu écris. Si tu coule et que tu te noie avec la pierre, ce qui est la réaction logique, tu es innocent. Mort certes, mais innocent (paradis, toussa toussa).

    Si en revanche tu remonte, ce qui n’est pas normal, c’est que tu as été aidé par quelque esprit malin, tu es donc coupable. Si par malheur tu remonte en vie, tu es donc coupable et on te punit pour cela (oui, c’est ça : « couic » ).

    J’adore l’ordalie de l’eau, c’est un peu : « pile je gagne, face tu perds » 😀

    • C’est exact. L’eau possède une dimension christique lorsque la religion chrétienne s’installe durablement à la tête de l’Empire. Avant cette ordalie, l’eau reçoit en ce sens une bénédiction qui en fait une substance pure, à même d’accueillir un être pur. Si l’être coule, l’accusé est accueilli dans un liquide saint, ce qui prouve son innocence.

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