Massacre de Nankin : viols, tortures, meurtres

Aujourd’hui, je vous parle du massacre de Nankin. Ce n’est pas un article rigolo et les photos peuvent heurter les esprits les plus sensibles. Les photos les plus indélicates sont glissées dans les liens en rouge qu’il n’est pas du tout indispensable d’ouvrir. Pour l’anecdote, je pensais écrire sur les « femmes de réconfort », mais impossible de comprendre le contexte sans parler du massacre de Nankin, alors pour une fois, faisons les choses dans l’ordre.

Le contexte mondial des années 1930

Alors on le sait, la fin des années 1930 partout dans le monde, c’est pas la période la plus funky. En Europe, il y a Franco en Espagne, le moustachu Hitler en Allemagne et en Italie, Mussolini se fait remarquer plus que de raison. Déjà, ça pue, et l’Occident est bien occupé. Mais en Orient, c’est pas beaucoup mieux, au Japon, l’empereur Hirohito entreprend une mission divine colonisatrice : d’abord la Corée, puis la Mandchourie, puis une grande partie de la Chine et de l’Asie du sud. En 1936, l’Allemagne nazie et l’Empire du Japon signent le pacte anti-Komintern, c’est à dire qu’ils se doivent secours mutuels en cas de problème. Et des problèmes, il va y en avoir. En 1937, l’Italie fasciste de Mussolini va elle aussi signer ce pacte, puis la Hongrie puis l’Espagne.

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Lorsque les troupes Japonaises tentent de prendre Shanghai en août 1937, elles doivent commencer à lutter à Nankin. Les Japonais sont nombreux et surentraînés, face à des chinois peu armés et franchement en galère. Si on parle beaucoup des jeunesses hitlériennes, il se passe la même chose au Japon, avec les écoles militaires. Propagande, lavage de cerveaux, on arme tout le monde et hop en route pour tuer quiconque ose se mettre sur le chemin de l’empereur divin Hirohito. Les japonais sont chauds patate, ils pensent pouvoir prendre la ville en huit jours. Une grosse semaine et le job est terminé. Or, ça ne va pas se passer ainsi, ce sont trois mois de lutte acharnée qui vont permettre aux Japonais de prendre Nankin le 13 décembre 1937, officiellement le 17 décembre.

La prise de Nankin

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 Nankin a été abandonnée par les dirigeants depuis quelques semaines déjà, les combattants chinois n’ont plus de hiérarchie militaire, ils sont plus de 100 000 et s’organisent comme ils le peuvent. Avant que la ville soit assiégée, de nombreux civils ont pris la fuite, mais aussi Tchang Kai Chek, le maire de la ville et les dirigeants. Ils ont sauvé leur cul, comme on dit. Toute la population est abandonnée, seule une zone internationale de refuge a été mise en place par des occidentaux installés sur place. Ce sont les seuls à s’inquiéter ouvertement du sort des civils lorsque les Japonais entrent dans la ville. Il s’agit d’une zone, dite « neutre », une zone de sécurité qui possède un petit stock de riz, de farine et de combustible. De quoi tenir quelques jours… La population civile chinoise a bon espoir que lorsque les Japonais auront pris la ville, le calme reviendra. Bin oui, une fois le territoire annexé, rien ne sert de tuer. Lol. Ça ne va pas se passer comme ça. Le massacre de Nankin commence seulement.

Le massacre de Nankin : les exécutions sommaires de soldats chinois

Évidemment, dans un conflit armé, les premières victimes sont les militaires des deux côtés, évidemment. Mais le 6 août 1937, le Japon a pris la décision, ferme et définitive, de ne pas s’encombrer des lois internationales. Aussi, les militaires japonais vont pouvoir abattre tranquillement les prisonniers militaires, les soldats ou anciens soldats chinois. Non mais c’est vrai, elles sont pénibles les lois qui tentent de nous empêcher d’être sanguinaires, alors autant les fouler du pied. Et ça ne va pas être long à se mettre en place. Le 17 décembre, les troupes japonaises défilent, triomphantes, dans la ville de Nankin. Youpi, on a gagné ! Laissez-nous passer et regardez comme on est plus forts que vous grâce à notre empereur tout droit venu du ciel.

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Le 18 décembre, pour fêter leur victoire, les soldats vont organiser un bal, un feu d’artifice et se saouler. Eh non, en fait, ils vont réunir 13 500 soldats chinois, leur lier les mains, les ranger en plusieurs colonnes qui les unes après les autres vont aller tout près du fleuve. Les Japonais vont encercler chaque colonne et tirer à la mitrailleuse. Le massacre dure plus d’une heure. Faut dire qu’il y a du monde à abattre. Ceux qui ne sont pas morts du premier coup seront terminés à la baïonnette, l’estomac béant, parce qu’il faut économiser les munitions. Ensuite, un peu d’essence et hop, un feu de joie… On la tient notre ambiance festive… Ceux qui tentent de s’enfuir sont rattrapés et décapités. La plupart du temps, on jette les cadavres dans le Yangzi Jiang, le fleuve, au moins, il n’y a pas de trace. Et puis, vu que personne n’est vraiment enregistré à l ‘état civil en Chine, difficile de dire combien de mec sont morts le 18 décembre. Plutôt 10 ou plutôt 50 000 ? Certains témoignages affirment 13 500, un autre 25 000. Toujours est-il, plus de 60 000 soldats ou anciens soldats chinois ont été tués durant le massacre de Nankin.

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D’autres massacres ont été organisés les jours suivants, souvent effectués à la mitrailleuse, ou alors explosés par des mines… A coups de plusieurs milliers de soldats chinois. Et puis, il y a aussi du spectacle, certains civils ont été obligés d’assister à des scènes horrifiantes de japonais écorchant des soldats chinois puis grillant les cœurs et les foies pour les manger. Durdin, un journaliste en déplacement pour le New York Times rapporte qu’il faut seulement 10 minutes pour tuer 200 soldats, et que rapidement les rues de Nankin sont remplies de cadavres, avec des tas de plus de 2 mètres de haut, et pas seulement de soldats, il y a aussi des civils, des hommes, des femmes et des enfants…

Le massacre de Nankin : les civils, hommes, femmes, enfants assassinés 

Bon, même si c’est moche et pas tellement respectueux des conventions internationales, les soldats meurent. Bon. On pourrait presque dire que : c’est la guerre. Presque. Le problème du massacre de Nankin, c’est que les soldats japonais ont reçu l’ordre de tuer également les civils. Les soldats qui ont fait les écoles militaires japonaises ont appris que lorsqu’un ordre vient de son supérieur hiérarchique, en fait, il vient de l’empereur et donc de Dieu.

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Et autant tu peux faire croire des trucs à tes chefs, autant c’est difficile de cacher quoique ce soit à Dieu. Alors pour l’honneur et le respect, les soldats japonais vont tuer tout le monde. Les femmes, c’est super facile, elles sont dociles, silencieuses, en plus avec les pieds bandés, elles ne peuvent pas s’enfuir. Certaines vont également être violées. Pour les enfants, c’est plus difficile, certains soldats témoignent et expliquent qu’ils ne peuvent pas les regarder avant de les tuer, certains affirment avoir fermé les yeux avant de tirer, en espérant les manquer. Et puis certains sont vraiment sanguinaires, revanchards et prennent un malin plaisir à torturer les civils avant de les abattre.

Les enfants sont tués s’ils font trop de bruit dans la rue ou si leur mère tourne les talons en voyant des troupes japonaises. Les femmes enceintes prennent des coups de baïonnettes dans l’estomac avant d’être tuées, conscientes de la mort de leur enfant et l’estomac béant. Avec ou sans raison, on tuait. Tout le monde. C’était les ordres. Et puis surtout, ça faisait partie de l’éducation des Japonais, depuis qu’ils sont gamins, on leur explique que les chinois sont des sous-hommes, bien inférieurs aux Japonais, ils ne méritent pas de vivre sur la même terre. Alors on organise des concours de sabres pour décapiter le plus de Chinois possible, ou on les enterre vivants… Pour rigoler…

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En revanche, ce qui ne faisait vraiment pas partis des instructions, c’était les viols… Et pourtant…

Le massacre de Nankin : les viols des femmes et petites filles

Le viol est une arme de guerre et les Japonais en ont largement abusé, allant pourtant à l’encontre des instructions. Plus de 1000 viols étaient commis chaque nuit, presque autant la journée. Les hommes étaient parfois obligés d’être témoins du viol, ou alors ils étaient tués avant. Les femmes qui se laissent faire ont souvent la vie sauve, et les japonais reviennent la nuit suivante. Les viols collectifs étaient les plus répandus. Lorsque la femme se rebelle, elle est battue, humiliée, torturée et tuée. On retrouve des témoignages expliquant que les japonais plantent des morceaux de bambous, ou des bouteilles dans le vagin des femmes après les avoir violées, avant de les assassiner. Plus de 20 000 femmes ont été victimes de viol entraînant la mort, ou non. Sans défense, les femmes étaient achevées à la baïonnette, ça ne coûte pas d’argent et ça ne fait pas de bruit, bien que personne ne puisse faire quoi que ce soit.

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Le révérend James Mc Callum, présent dans la zone de refuge, raconte dans son journal intime :

« Je ne sais pas quand cela se terminera. Jamais je n’ai entendu ou lu autant de brutalité. Viol ! Viol ! Viol ! Nous estimons au moins 1 000 cas par nuit et beaucoup de jour. En cas de résistance ou tout ce qui ressemble à une réprobation, il y a un coup de baïonnette ou une balle… Les gens sont hystériques… Les femmes sont emportées chaque matin, après-midi et soir. Toute l’armée japonaise semble libre d’aller et venir comme elle veut et de faire ce qui lui plaît. »

D’autres fois, les Japonais étaient encore plus vicieux et forçaient les membres d’une même famille à pratiquer les incestes. Les fils devaient violer leurs mères, leurs sœurs. Les pères, leurs filles, sous les yeux des autres membres de la famille. Tout comme certains moines ayant fait vœux de célibat, contraints de violer des femmes et des petites filles…

Le viol était théoriquement sanctionné par le règlement militaire japonais qui l’estime comme une pratique perverse et immorale. Mais personne n’intervient. On laisse faire. Pendant ce temps, les femmes sont victimes de violences physiques et morales, certaines meurent sous les baïonnettes, d’autres se suicident. Et enfin, celles qui ont le malheur de tomber enceintes sont torturées jusqu’à la mort.

La zone de sécurité victime du massacre de Nankin

La zone mise en place par les étrangers est plus ou moins respectée. Surtout moins. John Rabe témoigne de plusieurs cas de viols et de meurtres commis au sein de cette zone et demande au gouvernement Japonais de bien vouloir surveiller les actes de ses troupes. En vain. Voici deux exemples du témoignage de John Rabe :

Cas 15 : Il y a environ 540 réfugiés entassés aux 83 et 85 de la rue de Canton… Plus de 30 femmes et filles ont été violées. Les femmes et les enfants pleurent toutes les nuits. Les conditions hors de la zone sont pires que ce que nous pouvons décrire. S’il vous plaît, aidez-nous.

Cas 19 : Le 30 janvier vers 17h, M Sone (du séminaire théologique de Nankin) a été accueilli avec plusieurs centaines de femmes suppliant de ne pas rentrer chez elles le 4 février. Ils ont dit qu’il n’est pas besoin de retourner chez eux au risque de se faire violer, voler ou tuer. (…) Une vieille femme de 62 ans est retournée chez elle près de Hansimen et les soldats japonais sont venus pendant la nuit pour la violer. Elle a dit être trop vieille. Donc les soldats l’ont éperonnée avec un bâton. Mais elle a réussi à survivre pour revenir. »

Ce ne sont que quelques exemples, mais c’est un tollé international qui va éclater quelques temps après la libération de Nankin suite à la mise en place d’une nouvelle institution civile par l’empire japonais en février 1938.

Pour calmer le jeu, mais aussi et surtout les pulsions des soldats, l’armée impériale japonaise va mettre en place un système de prostitution, comme en Europe, c’est ce qu’on va appeler les « Femmes de réconfort ». Et c’est une autre histoire qui ne sera pas bien drôle non plus.

Lors du procès de Tokyo, le 3 mai 1946, plusieurs criminels de guerre sont jugés et certains condamnés à mort pour le massacre de Nankin. Pour plus de détails, vous pouvez regarder ce documentaire passionnant (mais un peu violent).

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12 thoughts on “Massacre de Nankin : viols, tortures, meurtres

  1. A voir aussi le film « John Rabe, le juste de Nankin », avec notamment Steve Buscemi.

    Même si c’est bien évidemment scénarisé et très édulcoré, ça pique…

  2. Je pense que je suis déprimée pour la semaine xD (mais bon c’est pas faute d’avoir été prévenue (a) )
    En tout cas c’est comme d’habitude très intéressant!
    C’est mon premier commentaire mais j’aime beaucoup lire tes articles, ça permet de se plonger dans l’histoire de façon simple et en peu de temps, et tu rajoutes toujours des chouettes liens pour si jamais on veut en savoir plus. ^_^
    Enfin bref pour moi qui aime l’Histoire mais qui n’a paaaas le temps de se plonger dans des bouquins ou des longs documentaires c’est parfait. 🙂

  3. « En quelques semaines à peine jusqu’à trois cent mille civils furent massacrés. Quand elle eut fini, dit-on, il n’était plus nécessaire de prendre le bateau pour passer d’une rive à l’autre du Yang-Tsé. Il n’y avait qu’à marcher sur les cadavres. Les Japonais firent preuve d’une grande créativité en ce qui concernait les façons de tuer. Ils enterrèrent des jeunes gens jusqu’au cou dans le sable et passèrent dessus avec leurs chars. Ils violèrent des femmes âgées, des enfants, des animaux. Ils décapitèrent, démembrèrent et torturèrent ; ils s’exerçaient à la baïonnette sur des nourrissons. »
    Tokyo, Mo Hayder

  4. Pingback: Femmes de réconfort, les esclaves sexuelles du Japon | Raconte-moi l'Histoire

  5. Nankin est le plus célèbre. Mais ce comportement fut le même dans l’ensemble des territoires occupés par l’armée impériale. La brutalité était d’ailleurs monnaie courante au sein même de l’armée japonaise où les châtiments corporelles et les coups les humiliations étaient perçues comme indispensables pour faire un bon soldat et où régnait une structure de castes. Et les maltraités deviennent souvent les maltraitants.

  6. on remarquera qu’aujourd’hui non seulement le gouvernement japonais minimise le massacre mais mieux les manuels scolaire n’en font aucunement état. une autre remarque, l’importance et la place des forces yakuzas au sein même de l’armée, et qui ont assuré le pillage de la Chine, de la Mandchourie et de la Corée.

  7. J’ai découvert ce tragique épisode de l’histoire grâce au film City of Life and Death,
    http://www.imdb.com/title/tt1124052/ Pour le coup une production chinoise donc loin d’être édulcorée, la mise en scène est très puissante et le film garde quand même une certaine objectivité vis à vis des troupes Japonaises. Merci pour l’article en tout cas!

    • effrayant, on ne réalise pas bien en Europe combien les japonais se comportaient de la même manière que leurs alliés du komintern, les ss .

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