Jeanne Laisné, la femme et la hachette

Le règne de Louis XI a connu moult péripéties. Avant même qu’il soit Roi, il cassait déjà quelques cranes. Lorsqu’il est Roi, il épargne deux vies et entre deux maitresses, en 1472, le Loulou lutte contre les troupes du Duc de Bourgogne qui ont tendance à ronger un peu son territoire. Après une grande partie de la Picardie, la ville de Beauvais semble perdue et tombe presque entre les mains de Charles le Téméraire.

En fait, c’est la panique jusqu’à l’arrivée de Jeanne Laisné.

Le siège de Beauvais par Charles le Téméraire

Le 27 juin 1472, Charles le Téméraire et ses troupes (environ 80 000 mecs tout de même) sont partis de Arras et attaquent la ville de Beauvais. C’est chiant. L’artillerie du Duc de Bourgogne est bien plus importante que celle de Louis XI. Du coup, ça pue un peu pour la défense… Surtout qu’il n’y a aucune garnison à Beauvais, et que le roi et ses troupes sont à Angers et c’est pas franchement à coté.

La population panique, c’est la galère. Au premier assaut porte de Lymaçon, les Beauvaisiens tiennent bon. Ils maintiennent les ennemis à l’extérieur de la ville. Mais bon, ils n’ont que très peu d’armes et les remparts sont inefficaces. La majorité des habitants fuit la ville. Alors même si le Roi se bouge le cul pour arriver à Beauvais, Charles le Téméraire est en place et le siège dure un mois. Lorsque soudain, le 22 juillet, l’étendard Bourguignon (gallica) est prêt à être planté après le second assaut, porte de Bresle. C’est sans compter sur la bravoure, le courage (et peut être l’inconscience) de Jeanne Laisné. La meuf voit le bourguignon, elle lui saute dessus, lui arrache l’étendard des mains et lui éclate la tête à la hachette avant de le faire tomber de l’autre coté de la muraille de la ville. Sans pression.

Jeanne Laisné, héroïne de Beauvais

Lorsque fin juillet les troupes du roi et Louis XI, arrivent ENFIN à Beauvais (l’expression arriver après la bataille prend tout son sens), on va célébrer le triomphe de ce peuple contre le Duc de Bourgogne. C’est Jeanne qui en sera le symbole, naturellement.

Un cortège guide Jeanne jusqu’à l’Église des Jacobines, où celle-ci dépose aux pieds de Sainte Angadrême le fameux étendard bourguignon.

Cependant, Jeanne n’a pas été la seule Beauvaisienne à s’impliquer dans le conflit. Au contraire, elles ont été très nombreuses à protéger leur ville des envahisseurs, et Louis XI semble être très reconnaissant. Le Roi décrète par ordonnance royale que chaque année, le jour de la Sainte Angadrême la ville doit organiser une procession solennelle, la fête de l’Assaut. A cette occasion, les femmes se situent à l’avant du cortège, devant le clergé et les hommes !! Quel honneur. Laisse tomber, c’est une révolution pour l’époque, un peu comme si aujourd’hui les femmes gagnaient plus que les hommes pour le même travail.

De plus Louis XI accorde à toutes les Beauvaisiennes le droit de se vêtir de la même façon que la noblesse « Toutes les femmes et filles qui sont à présent et seront à tout jamais de ladite ville se pourront, le jour de leurs noces, et toutes autres fois que bon leur semblera, parer, vêtir et couvrir de tels vêtements, parements, joyaux et ornements que bon leur semblera, sans que, pour ce, elles puissent être aucunement notées, reprises ou blâmées, de quelque état ou condition qu’elles soient ». Mais bon, évidemment, y’a toujours la noblesse qui fait la gueule. C’est vrai quoi, toutes les meufs peuvent porter des robes de princesse cagole. Ça se marche sur les plates-bandes.

Loysel au XVème siècle rapporte que « toutes les femmes de la ville (…) se montrèrent si vaillantes en ce siège qu’elles ont surmonté la hardiesse des hommes de plusieurs autres villes ». La classe.

Jeanne Hachette, la Jeanne d’arc laïque

Les documents de l’époque mentionnent Jeanne Laisné, et c’est longtemps après les faits que la meuf a été surnommée Jeanne Hachette, du nom de l’objet qui l’a aidé à foutre les Bourguignons dehors. Je trouve que ça fait vachement sauvage « Jeanne Hachette ». Plus que « Jeanne cuillère en bois » par exemple. Bien que la cuillère en bois puisse faire très mal. Bref.

Il n’a pas été rare non plus de voir des comparaisons entre Jeanne Hachette et Jeanne d’Arc. C’est vrai, elles ont le même prénom elles se sont battues contre les ennemis. Mais il y en a une qui a eu le droit à une cérémonie avec des fleurs et tout, et l’autre a été cramée. Évidemment, nous, les pessimistes, on a préféré parler de la morte brûlée. Parce qu’on aime le spectacle.

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One thought on “Jeanne Laisné, la femme et la hachette

  1. Il me semble effectivement que pour donner dans le festif et l’hommage véritable aux femmes d’action, on pourrait en cramer un peu plus. Bref. Donc on a la Jeanne d’Arc et la Jeanne Hachette. Vivement que les Jeanne se modernisent et qu’on ait la Jeanne Kalachnikov.

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