Du vin, du cidre et d’la bière, nom de Dieu !

Pose ton verre de coca, d’Ice Tea ou de vodka redbull mon p’tit. Aujourd’hui on parle terroir et on parle XIXème siècle. Que buvaient les paysans avant la Première Guerre ? Et dans quelles quantités ? Même en sortant du jeudi au dimanche, l’étudiant ne peut pas battre le paysan. Oh non, impossible de rivaliser. Commençons soft, pour enfants et femmes enceintes.

L’eau, c’est pas très bon

Au début du siècle, les paysans boivent donc de l’eau qu’ils vont chercher directement à la source, au ruisseau ou à la mare, au plus près en fait. Quand je dis ils*, je veux dire les femmes. Et quand je dis à la mare, je veux dire de l’eau stagnante, nauséabonde et parfois infestée de maladies.

Au milieu du siècle, de généreux donateurs ont permis les premières adductions qui conduisent l’eau d’une source à la fontaine publique du village. C’est quand même plus pratique que de faire 6km aller retour avec une cruche de terre dans chaque main. L’eau est toujours dégueulasse, mais elle est plus près. On progresse. Ces fontaines vont devenir municipales et bientôt le paysan va devoir payer son eau. Le progrès a un coût. En ville il y a de nombreuses et fastueuses fontaines (ci-dessous à Toulouse).

Au mieux l’eau est fade, au pire elle a très mauvais gout, aussi les paysans la coupent avec ce qu’ils peuvent. De la réglisse, de la menthe, de la feuille de frêne, du tilleul, ou du vinaigre. L’eau vinaigrée est l’oxycrat que recommandent de nombreux médecins pour désinfecter, pour les brûlures d’estomac et autres gueules de bois. Les gueules de bois parce que quand même, on picole au XIXème siècle.

Le cidre et jus de pommes

Dans le nord ouest, région pommière (ce mot n’existe pas, mais je le préfère à : région ou l’on cultive de la pomme) il y a le petit cidre et le maître cidre.

Le petit cidre est fabriqué en faisant infuser du marc de pomme dans de l’eau. Le paysan normand en fait une consommation quotidienne.

« C’est une boisson fade, aigrelette et indigeste, dont on prétend corriger la fadeur et faciliter la digestion, en avant deux verres d’eau-de-vie après chaque pot. »

Ca donne vachement envie . Malgré tout, il est préconisé par les médecins car sa teneur en alcool est très faible. Préconisé, ok, mais les normands en consomment quotidiennement jusqu’à 5L/personne adulte, et les bretons environ deux litres par jour et par personne jusqu’au début du XXème siècle. En période de travail intense (moisson, fenaison) la consommation peut atteindre les 8 litres par jour et par personne. Normal.

Le maître cidre est réservé pour les jours de fête, c’est plus fort, genre 8°, et ils en consomment autant. D’où l’intérêt d’avoir son verre d’eau vinaigrée et son gramme de doliprane. Pendant ce temps, à l’est que se passe t’il ?

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La bière

A l’est le paysan boit de l’eau,  la bière est une boisson de citadin. En général, les producteurs d’orge et de houblon ne brassent pas à domicile, aussi ils ne consomment pas beaucoup. Mais rassurez-vous, en ville, ca picole. L’ouvrier se retrouve à la bierstube, le bourgeois à la winstube pour consommer trankil leurs litres de bière.

La bière se consomme dans les brasseries industrielles tout le long du siècle et il faut attendre 1880 pour voir apparaître la bière en canette. Aussi, elle accompagnera les repas du dimanche à la campagne. La bière n’est plus une boisson citadine, c’est l’apparition de l’oncle toujours un peu trop bourré qui est super relou pendant les repas dominicaux qui durent 6h.

A Strasbourg, en 1850 on boit 400 000 hectolitres de bière pour 40 000 hectolitres de vin.

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Le vin

Au début du XIXème siècle, le paysan qui travaille la vigne ne boit que de la piquette faite avec son raisin (pour le coup, il en boit beaucoup, jusqu’à 6L/jour). Le vin est absent de la table familiale. Le vin fabriqué est vendu relativement cher, c’est pourquoi ils ne le consomment pas personnellement. La piquette n’a pas très bonne réputation, on fait fermenter  le marc de raisin (après l’avoir bien bien pressé pour faire le vin) et on le fait infuser dans de l’eau froide au fond d’une cuve, à l’air libre. La piquette tourne avec les premières chaleurs. Vivement les prochaines vendanges quoi.

Au milieu du siècle, les choses changent. La consommation de vin augmente  un peu chez les paysans. Explications: Les chemins de fer assurent le transport de vin partout. Et surtout dans les régions non-viticoles, le nombre de consommateurs explose. Avec le développement de l’industrie, les ouvriers picolent beaucoup, genre entre 3 et 7L par jour et par individu mâle. Ce sont de très bons clients. Aussi les vignerons, surs de vendre et de vendre correctement, ils se permettent une bouteille à table de temps en temps (et on ne va pas le leur reprocher).

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Mais ce faste ne durera pas plus de 30 ans. En 1870 la vigne est partout, certes, mais en 1880 le phylloxéra est arrivé (un petit insecte qui s’en prend au pied de vigne et la tue). La bestiole a tout ravagé, de nombreux pieds sont arrachés partout en France. C’est la merde, on achète du vin algérien, c’est (de) la merde, en 1907 les vignerons languedociens sont pas contents. Genre pas contents du tout. Heureusement Clemenceau sera là.

Enfin… C’est une autre histoire que je vous raconterai une autre fois.

 

 

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Et puis aussi, l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération tout ça tout ça.

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10 thoughts on “Du vin, du cidre et d’la bière, nom de Dieu !

  1. C’est les vignes californiennes, réimportées en France, qui ont sauvé l’industrie viticole au début du siècle, je crois.

    • Les porte greffes en fait sont américains(le phylox est  »américain » donc les souches endémiques n’y sont pas sensibles) et dessus on greffe nos cépages sensibles mais plus qualitatifs! C’ était la seule solution sinon plus de viticulture ;(

  2. Très bien ! Juste un petit détail : Bierstube et winstube sont les endroits où l’on boit. Débit de bière, débit de vin. Il y a encore de nombreux winstubes à Strasbourg et dans le reste de l’Alsace.

  3. J’adore les articles sur la vie quotidienne des gens!

    Étant normande pur cidre, je ne peux que plussoyer cet article! Si je ne me trompe pas, on appelait « gros bère » le cidre pur et « ptit bère » le cidre fabriqué avec le marc remouillé. On buvait aussi le cidre coupé à l’eau pour les enfants ou pour les ouvriers aux champs car si on en boit une dizaine de litres par jour, on est un peu moins bourré (même s’ils avaient bien l’habitude de lever le coude). Sinon, le calva soigne bien les dents des enfants : un petit bain de bouche pour désinfecter (ou on massait les gencives de bébé avec!) et puis après on avale, ça aide à dormir…
    (si ça fait doublon avec ton prochain article tu peux supprimer mon commentaire 😉 je te rapporte juste ce qu’il se passait dans ma famille!)

  4. Merci pour cet article très sympa! Dans ma famille aussi mon grand père me racontait que petit il ne buvait que du cidre fait maison !
    Juste un truc, dans les liens en bas, les deux derniers renvoient vers le même livre sur les propriétés de la bière :).

  5. Pingback: Repas de fêtes et doigts qui pèguent | Raconte moi l'Histoire

  6. Pingback: Brève. La vie quotidienne d’un ouvrier au XIXème siècle. | Raconte moi l'Histoire

  7. Lointaine descendante d’un gars qui a offert l’eau à son village, d’où son nom de Pozzo di Borgo (le puits du bourg), j’ai épousé un descendant de brasseurs… Tout ça pour dire qu’on était à l’époque soit bourré, soit mort d’avoir bu de l’eau croupie.

    Nous sommes donc fatalement descendants des bourrés, lourd atavisme s’il en est

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